Le vendeur de banane au peril de sa vie !

Article : Le vendeur de banane au peril de sa vie !
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24 décembre 2014

Le vendeur de banane au peril de sa vie !

Il est vendeur de banane. Noir et serein. Son désir de survivre et de nourrir les autres lui met en un suicide unique dont seul le ciel sera témoin vivant en premier lieu de sa mort. Si le vide devient son point de suspension pour son réceptacle mort delà même le chauffeur ne se rendra pas compte.

Bonhere
Bonhere
Sur le dos de la camionnette, cherchant le chemin au-delà des pensées perdues dans la broussaille, il joint solitairement le vide de la ville avec tous ses penchants courbaturés. Perdu et grinçant de repli de lui-même, la gageure de ne rien apporter le hantait ! Chacun des flots de la brise suspendue du haut du ciel, l’époumonait à des vergers de sable frappant son visage, l’étouffait de sentiments de peur et de crainte, ces sentiments nourrissant le deuil des souvenirs qu’il n’a rien laissé à la maison. Ce qui lui conjure le mauvais sort de l’oisiveté dont saurait s’endormir ses veines, son corps, et son âme. Dispersif et mutant, ce regard qui l’occupe est tel un obturateur prenant le cliché du ciel belliqueux avec sa prière matinale.
Bondieu des pauvres plus haut que ceux des carrefours. Bondieu de ce qui mugit dans le deuil et la souffrance, tiens-moi et fructifie mes mains afin de nourrir mon hutte et mes besoins de ta besogne larguée en mes pauvres siens.
Cette prière matinale, celle qui semble catégoriquement construire l’idéal du cas marginal de Dieusibon est vraie et réelle destinées. Ce qui lui tient encore en vie… cet homme bananier, largué en une chute libre et une suspension des forces de la physique, le contraignaient à se maintenir encore, car il est gardien de ses progénitures et d’une colonie à nourrir de ses venteuses mains. Sur le toit de cette voiture, le vent devient compagnon de solitude et défie tout humain, les grains scintillent, l’ouragan se forme dans la colère et le soupir exaltant de ce qu’il vit. Sortant de l’Arcahaie (route nationale 2) vers le département de l’Artibonite, lieu où s’est cousu le drapeau de l’indépendance de la première république noire, cette région où les bananeraies forment le chantier serré et à intervalle distance telle une forêt de monde où gît le fossé mortel. L’homme qui teint son charme, sa vie avec le vide et les illuminations des corridors métropolitains du haut de sa tête, il est l’homme au combat, l’homme du marché ; celui qui nourrit les gens du commun et les grands templiers de la bourgeoisie, celui qui nourrit matinalement nos corps en énergie et en fibre.
Là-haut sous le ciel enrhumé, j’entendis des chats miaulant, des moucherons infestés les chemins ennuyeux de la digue. J’entendis le vrombissement des feux rouges de la circulation. Plus j’entendais, plus je voyais l’homme fuir ma photo, mon objectif, mon obturateur du moment.
Arrivant au seuil de la capitale d’Haït, le suspendu revêt les gardes de son cœur de doux suspens que ne nul ne pourrait lâcher sans mot dire. Au tenant de cette poursuite, cette cargaison bien remplie couvrant l’ombre de l’intérêt qu’elle fournira, ce suspendu non chômeur m’a confié des idées assombries de son profil, de l’être qu’il suit chaque jour en lui-même.Je m’appelle Dieusibon, tenant à ma compagnie sept enfants naissant à ma ville natale où les bananiers ont vu le jour. Je suis cultivateur, paysan de nature et marchand ambulant. Depuis ma naissance, je travaille sur cette voiture marquée Bondye bon1, on m’a confié la tâche la plus noble et la plus suicidaire de toute ma vie. Chevaucher une voiture pleine de bananiers depuis mon enfance jusqu’à mes 30 ans actuelle. Voilà cette marque de faiblesse lancinante !
De quoi cette tâche est-elle la plus noble et la plus suicidaire de toute ta vie ? Pourquoi ce nom ?
Mon nom m’est donné suite à la mort de mon père qui était ouvrier de cette même tache sur cette embarcation tenant plus sa décennie qu’elle roule sur cette route se menant de l’Arcahaie à Port-au-Prince. Après sa mort, enceinte de deux enfants, j’ai failli avoir une vie en garde face aux crises épileptiques de ma mère. Delà j’ai eu le nom Dieusibon, car Dieu était si bon pour ma mère, m’a-t-elle confiée… Teinté de ce nom qui m’a construit pas mal de tourments qu’un havre de paix, j’ai su en grandissant que je devenais un jour comme mon père, ouvrier et marchands de banane.
Nombreuses sont les familles traditionnelles dont les enfants aînés commencent à nourrir et tiennent la relève dans la tâche qui convenait à leur parent surtout celle de leur papa (père). Aujourd’hui cet homme bananier est une photo recroquevillée entre le suspens du temps et les voiles bergères du Dieu qu’il sert, car nulle porte ne s’ouvre tant qu’elle n’a pas été construite. Sa porte a été ouverte, celle de l’exclusion, de la marginalité, celle qui lui met l’âme au contact funeste chaque jour, à chaque voyage alors qu’il nourrit plus d’un. Malgré que l’éducation gratuite ou l’alphabétisation des vieillards a été un fable où les bancs même d’un chaume n’ont pas été faits pour lui apprendre à lire et à écrire afin de mieux comprendre ce dont il doit accomplir.
Enfin cette double pénalisation qu’il doit subir dans sa vie, celui du sort marginal et une mort encombrante qui le chante chaque jour ses refrains est loin d’être de sa demeure…
Qu’il soit en Haïti ou en Afrique, et même plus loin, ils ne savent pas qu’ils ont été exclus mais cet homme reflète la vie de bien d’entre nous (soient nos parents ou grands-parents) qui risque leur vie pour nourrir, entretenir une hutte familiale. Dieusibon qui compte beaucoup pour sa famille rend l’âme dès son départ sur le toit de cette voiture, il sèche sa peau au soleil de la survie malgré qu’il bouge et parle, regarde partout.
Aujourd’hui beaucoup risquent leur peau sur la voile du suicide programmé au bord des routes, des avenues, des frontières, de rues endormies dans la plaine des idées suspectes. Voilà un d’entre nous !
1. Bondye bon : C’est un mot créolophone qui marque la compassion, la marque de pitié et de bonté que Dieu a en son égard.

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